R.S : Bonjour Mathieu, tu es passé par le CNSAD et la Classe Libre du Cours Florent : qu’est-ce que ces années de formation t’ont le plus appris sur ton métier ?

M.S : Ces années m’ont surtout appris la liberté d’essayer. Les écoles sont généralement des lieux où l’on peut tenter, explorer, se tromper. Au CNSAD, j’adorais traîner dans les couloirs, fouiller dans les costumes, m’imprégner de l’ambiance... C’était un terrain de jeu. Quand on est jeune, c’est précieux de pouvoir rêver dans un tel endroit. Ça ouvre l’imaginaire.

R.S : Tu as aussi une formation en musique et en violon. Tu as joué dans des lieux mythiques comme la Galerie des Glaces de Versailles et l’Opéra Royal, quel souvenir t’a le plus marqué de ces concerts ?

M.S : Le lieu influe forcément sur la manière dont on joue. On sent le poids de l’histoire, on se laisse porter par l’énergie. Jouer du Händel à Versailles, c’est une expérience unique : la musique et le lieu se répondent et se magnifient. Mais finalement, que ce soit devant 60 000 personnes aux Vieilles Charrues, dans un petit pub intimiste perdu dans le Finistère ou dans un beau théâtre parisien, chaque lieu a son esprit. Ce que je retiens, c’est que la musique s’adapte à l’endroit et que l’endroit s’imprime en nous.

R.S : Comment passes-tu de l’exigence du violoniste à celle de l’acteur ? Est-ce que l’un nourrit l’autre ?

M.S : Pour moi, c’est presque la même chose. Je vois toujours dans la musique (même la musique pure, et pas seulement la musique à programme) une dramaturgie, des images, une histoire. Quand on joue du Bach, on voit le cosmos ! Du coup, comme acteur ou comme musicien, j’essaie d’être sincère dans le moment présent et de transmettre du mieux que je peux l’esprit et l’émotion de la scène ou de la partition. Le but est le même. Et la comédie, c’est de la musique aussi ! Du rythme, du timing, du silence, et de l’écoute (comme dans un orchestre). J’ai beaucoup de chance de pouvoir passer de l’une à l’autre. Même si elles se ressemblent sur beaucoup d’aspects, ce sont des médiums différents et je ne m’en lasse jamais.

R.S : En plus de jouer au théâtre, tu as également mis en scène L’Histoire du soldat. Aimerais-tu refaire de la mise en scène dans le futur ?

M.S : C’était une aventure un peu folle, faite dans l’urgence, mais je m’étais bien amusé. L’Histoire du soldat, c’est Stravinsky, donc déjà une fête. Et plus le temps passe, plus j’ai envie de mettre en scène. Je ne sais pas si c’est l’âge (haha) ou juste la curiosité et l’envie d’explorer d’autres casquettes. Que ce soit au théâtre, derrière une caméra ou même à l’opéra. J’en ai fait beaucoup en tant que violoniste, depuis la fosse, et j’adorerais un jour pouvoir mettre en scène en partant vraiment de la partition et pas seulement du livret. Et travailler avec les chanteurs, bien sûr.

R.S : Tu as tourné dans des œuvres très différentes, comment choisis-tu tes rôles ?

M.S : On ne choisit pas toujours, ça c’est le luxe ultime ! Cela m’arrive de temps en temps (et j’espère que ça m’arrivera encore haha), et quand on peut vraiment choisir, alors je le fais avec le coeur, à l’instinct, selon le personnage ou l’histoire que j’ai envie de défendre. Il y a aussi l’envie de tester plein d’univers ! C’est vrai que j’aime bien quand le personnage a une vie très différente de la mienne. Mais ce n’est pas une règle absolue ! Cela peut aussi être la rencontre avec un(e) réal.

R.S : Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de te former au doublage ? Est-ce que tu considères ta voix comme un instrument, au même titre que ton violon ?

M.S : Pour plusieurs raisons. Ça faisait vraiment une dizaine d’années que j’en avais hyper envie. J’ai toujours été très sensible au son et à la voix, probablement parce que je viens de la musique, et le studio est un endroit que j’adore (j’ai souvent eu l’occasion d’y aller pour les post-synchronisations après tournage). Il y a aussi ce petit rêve d’enfant nourri par les voix mythiques de nos films et dessins animés. Mais surtout, ça vient d’une envie de m’améliorer en tant que comédien. Je ressentais une frustration d’acteur : on ne peut pas toujours "s’entraîner" seul entre deux projets. Avec le violon, on peut travailler tous les jours, faire ses gammes, bosser chez soi. Là, je voyais des potes comédiens qui font beaucoup de doublage et je me suis dit : génial, un terrain d’entraînement quotidien, concret, exigeant. J’ai donc commencé par des stages... et ça a été une révélation. Je me suis dit : "Pourquoi je n’ai pas fait ça plus tôt ?" Ce que j’adore, c’est l’exigence immédiate : lire vite, analyser la scène en un éclair, et surtout entrer dans l’intention et le souffle d’un autre acteur. C’est une école formidable de vitesse, d’écoute et de justesse.
Je considère vraiment la voix comme un instrument au même titre que mon violon. (J’ai une petite soeur chanteuse lyrique, je sais à quel point le travail de la voix est exigeant.) On y retrouve les mêmes fondamentaux : le travail du souffle (comme l’archet), les "gammes" d’articulation, la couleur du timbre, le phrasé, le placement rythmique, etc. Le doublage me permet d’entretenir cet instrument tous les jours, de progresser même en dehors des tournages, et de nourrir mon métier de comédien par une autre porte.

R.S : Quels sont tes loisirs ?

M.S : Regarder des films, écouter de la musique, lire. Sans surprise, j’aime le cinéma et la musique. En ce moment, je me suis pris de passion pour la mandoline. J’en ai une électrique que j’ai trouvée dans un petit magasin de guitares vintage à Londres. Je l’adore, c’est une petite Fender et je m’éclate avec. Et j’adore voyager, marcher, faire de la randonnée avec ma petite amie. Et enfin, les sports de combat, surtout la boxe thaï. Quand j’ai l’occasion, j’aime pouvoir travailler ma boxe. Et là, je suis en train de préparer un petit combat en Thaïlande.

R.S : Merci beaucoup Mathieu.

M.S : Merci Reynald !!

Interview d'octobre 2025